Édito du dimanche 7 mars 2021
Provocateurs !
Provocateurs êtes-vous, si vous croyez en Dieu ! Vous affirmez l’existence d’une personne que l’œil ne voit pas, que l’oreille n’entend pas, que la main ne touche pas. Comment osez-vous revendiquer un être qui échappe aux sens et, par là pourrions-nous dire, au bon sens ? N’est-ce pas un scandale pour tout pragmatique, dont l’appréhension de la réalité repose sur la perception sensorielle ? Disciple de saint Thomas, l’empiriste ne considère en effet que les faits, puisque seul le tangible est réel à ses yeux. Tout le reste ne serait qu’élucubrations, qui conduiraient à prendre ses désirs pour la réalité et à se créer une « vérité alternative ». Il faut alors des preuves de l’existence de Dieu. C’est ainsi qu’on réclame des miracles, des signes sensibles de la présence divine et qui ne fassent aucun doute. Mais ils se font rares… Certains disent en avoir bénéficié, ils l’ont écrit mais ce n’est là que leur témoignage. Sans remettre en cause leur bonne foi, il est néanmoins permis de demeurer sceptiques. Si seulement nous pouvions tous faire face à Dieu, l’affaire serait réglée… Ne serait-il pas plus sage de nous résoudre à l’évidence, selon le principe aristotélicien : « Nihil est un intellectu quod non sit prius in sensu » (Rien n’est dans l’intellect qui ne soit d’abord dans le sens) ? Si Dieu ne se laisse approcher par aucun des sens, il n’y a aucune raison pour en faire un sujet de réflexion et encore moins une personne, avec laquelle nouer une relation qui nous engage pour la vie. La foi relèverait alors du miracle…
Provocateurs êtes-vous, si vous croyez en Dieu malgré les apparences contraires ! Avec les philosophes grecs de l’Antiquité, nous pourrions néanmoins vous concéder que Dieu est un principe philosophique. Il désigne l’ensemble des valeurs qui transcendent l’humanité et lui donnent de la substance. Il est un terme générique qui indique une sagesse, une manière de penser et de vivre. Dieu est alors une idée qui vient des profondeurs de l’intelligence, il s’y tient présent comme une vérité qui émerge au niveau de la conscience. Pourquoi tout gâcher, à vouloir personnaliser un concept acceptable pour l’entendement ? Ce serait pure folie ! Il n’y aurait aucun avantage à en tirer… Mais ne serait-ce pas là, justement, une bonne raison ?!
Provocateurs êtes-vous, vous qui ne croyez pas en Dieu comme en une entité abstraite ! Vous ne vous réclamez d’aucune philosophie, qui ne pourra jamais prouver l’existence de Dieu et pourra seulement en donner quelques raisons crédibles. Provocateurs êtes-vous, si vous ne croyez pas en Dieu sur la base de récits extraordinaires ! Vous renversez le fond de commerce des marchands de rêves, qui font leur fortune sur la crédulité et le malheur des pauvres gens. Vous ne croyez en rien de merveilleux, puisque vous arborez un crucifié. Jésus n’a tiré aucun avantage matériel de ses enseignements, mais il a rejoint la cohorte des grands hommes qui ont sacrifié leur vie sur l’autel de l’authenticité. Qu’importe sa réputation, il s’est engagé pour la défense des intérêts humains. Il en incarne toujours les principes fondamentaux, ceux qui portent le nom de Dieu. Il n’a pourtant pas fait l’unanimité. Jésus dérangeait comme certaines vérités dérangent, lorsqu’elles nous renvoient à nos petits arrangements avec notre conscience. Par sa croix, il s’est lié à tous les Hommes de bonne volonté et qui sont prêts à tout donner, quels que soient leurs doutes.
En bons provocateurs qui se respectent et honorent Dieu en eux ; en bons provocateurs, qui se retrouvent dans le Christ, un seul désir vous rendra toujours dignes de foi : l’envie de transformer le monde !
Père Raphaël Prouteau, curé